Inventaire du patrimoine immatériel d'Haïti

Intérêt patrimonial

La fabrication de chaises en paille est l’élément identitaire de la région de Cayes-Jacmel. Cette pratique artisanale est importante pour la communauté car elle a forgé la renommée nationale de la région. Aujourd’hui, on compte plus d’une douzaine d’ateliers qui fabriquent ces chaises en paille dans la ville de Cayes-Jacmel. L’atelier « Ti Pay » est une référence dans le domaine et participe à la formation de plusieurs générations d’artisans depuis sa création en 1957. Des clients viennent de partout - Jérémie, Port-au-Prince, Jacmel, Cayes et Cap-Haïtien, entre autres - pour venir acheter ces chaises. Elles sont souvent exposées dans les foires de la région et à Jacmel.

Description de la pratique culturelle

Chaise en paille de Cayes-Jacmel © IPIMH 2011

Les chaises en paille fabriquées à Cayes-Jacmel sont destinées à la vente. Différents modèles sont proposés, tels que les chaises domestiques, les dodines et les chaises pour bébé. Le modèle peut aussi varier à la demande des clients. Les bois utilisés proviennent des sections communales avoisinantes et les artisans préfèrent le « Monbin bata » aux autres arbres en raison de sa dureté et de sa facilité de traitement. Les pièces de bois sont transportées à dos d’âne ou en véhicule.

Les outils les plus utilisés sont la scie, le grattoir (pour affiner le bois), le marteau, la règle, le ciseau, le bédane, la mèche pour percer les trous ronds, les feuilles sablées, la hache, la hachette, le rabot, et les matériels de support : l’établi et l’étau. D’autres matériaux comme les stipes de palmistes séchés, la colle à bois et les clous sont aussi utilisés. Habituellement, les ateliers à Cayes-Jacmel n’ont pas d’outils électriques.

Un patron - modèle d’après lequel l’artisan travaille – est souvent employé. Sur l’établi, on prépare les pièces de bois à une dimension de deux pouces avec un crayon et une règle. Puis, on les expose au soleil après les avoir sciées. Il faut noter que le type de bois utilisé pour fabriquer les pieds de chaises n’est pas le même que pour les barreaux et le dossier. Pour polir les pièces de bois, on utilise la lame d’un grattoir et des feuilles sablées. Un autre patron permet de marquer le bois avant de faire les entailles creuses avec le bédane, suivant la taille de la chaise que l'on veut fabriquer. C’est une technique à la fois artisanale et professionnelle. Dans les ateliers, les artisans travaillent directement sur le bois.  

L’assemblage se fait en plusieurs étapes ; on commence par la préparation des matériaux. On traite également la paille et le stipe de palmiste avant de scier et gratter les pièces de bois. Puis on fixe le dossier dans les pieds arrière et les barreaux dans les pieds avant. On réunit les parties avant et arrière pour former la structure physique de la chaise en les joignant par des barreaux latéraux avant de confier la tâche d’empaillage à un autre artisan. Enfin, les pieds et les barreaux sont polis. On peut aussi peindre la chaise ou la vernir. Si les pièces de bois sont déjà préparées, un artisan peut mettre cinq heures pour fabriquer une chaise en paille.

Il est facile de différencier une chaise en paille fabriquée à Cayes-Jacmel de celles des autres régions du pays : les pieds avant sont de forme serpentée tandis que ceux de l’arrière sont droits. Les barreaux avant sont de forme aplatie tandis que les latéraux sont arrondis.

Apprentissage et transmission

Artisan en train de monter un dossier de chaise © IPIMH 2011

De son vivant, Joseph Prince - aussi appelé Bòs Ti Pay - a formé plusieurs générations d’artisans de chaises en paille. Des adolescents, à la demande de leurs parents et des adultes, viennent dans l’atelier pour apprendre le métier. Parfois la formation est payée. Étant chef d’atelier, Bòs Ti Pay initiait lui-même les débutants au métier, avant de confier cette tâche à un autre ouvrier. L’apprentissage du métier est fait par observation et par expérimentation. Aujourd’hui, on peut compter plus d’une douzaine d’ateliers de fabrication de chaises en paille à Cayes-Jacmel tenus par des artisans formés par Bòs Ti Pay. De nos jours, les jeunes s’intéressent peu à ce métier. La transmission se fait donc davantage dans le milieu familial chez des jeunes qui souhaitent apprendre.

Historique général

Étape du tissage de la chaise © IPIMH 2011

Le mot chaise vient du latin cathedra signifiant siège, banc, chaire de professeur et trône. Au Moyen-Âge, elle fut longtemps considérée comme un symbole d’autorité. Au XVIIIème siècle, toute la noblesse en France voulait posséder des chaises et des banquettes en paille. Traditionnellement, en Haïti, on en faisait un usage domestique, voire religieux (vodou). Cayes-Jacmel possède une renommée de fabrication de chaises en paille grâce à Joseph Prince (1932-2010). Ce dernier est natif de Cayes du Fond (Ville des Cayes). Très jeune, il a commencé à en fabriquer dans sa localité. Son père était lui-même artisan de ce métier et lui a transmis le goût du métier et les techniques. Par la suite, il a rencontré monsieur Démoléon Thomas qui lui a proposé de venir s’installer à Cayes-Jacmel en 1957 parce qu’on ne pratiquait pas ce métier dans la zone. On raconte que son atelier avait aidé à combattre l’oisiveté chez certains jeunes de Cayes-Jacmel. Aussi, accueillait-il des jeunes à qui il apprenait à fabriquer des chaises artisanales. À cette époque, les chaises de taille moyenne se vendaient 12 gourdes l’unité. Elles se vendent aujourd’hui 400 gourdes.

Documentation

http://www.artebois.com/archivefinitionchaise.html, consulté le 12 août 2011.

http://www.meublepeint.com/chaise.htm, consulté le 12 août 2011.

Sources

• Nom du facilitateur ou des facilitateurs : Jean Ronald Augustin, Enide Youyou, Djuny Lis Cendra Guillaume, Rolph Bélizaire
• Date d'entrevue : 2011-08-10
• Nom de l'indexeur ou des indexeurs : Jean Ronald Augustin, Enide Youyou, Djuny Lis Cendra Guillaume, Rolph Bélizaire