Classé sous
Intérêt patrimonial
La Vallée de Jacmel est le lieu par excellence où se pratique un style de broderie traditionnelle : la broderie Richelieu. Depuis plusieurs générations, ce savoir-faire se renouvelle et se perpétue dans les familles et à travers des associations de brodeuses. Actuellement, la broderie Richelieu représente à la fois une source de revenus pour la communauté et un moyen d’affirmer sa singularité.
Historique
La broderie Richelieu est une broderie traditionnelle. Elle était surtout utilisée pour la broderie de monogrammes (figure formée généralement de la combinaison des lettres initiales d'un nom) sur le linge de literie.
La pratique de la broderie Richelieu est caractéristique de la communauté de la Vallée. Elle aurait été introduite il y a une centaine d’années dans la communauté de la Vallée de Jacmel par la congrégation des Filles de Marie qui aurait transmis la tradition de la broderie découpée qui porte le nom du ministre de Louis XII (qui l’aurait importée lui-même de Venise). Depuis, elle continue à se perpétuer dans la communauté. Tous les 24 juin, la vallée célèbre sa fête patronale, la Saint-Jean-Baptiste, lors de laquelle de magnifiques broderies locales sont exposées, dont celles de Mme Valentin.
Stéphanie Valentin est à présent l’une des gardiennes de cette tradition unique à la Vallée. Elle vendait d’abord des broderies (draps, nappes) aux gens qui se mariaient et en façonnait également pour les sœurs de la congrégation. Son succès provient de la qualité de ses broderies et de la performance de ses élèves, d’où le nom « Les Dix doigts de la Vallée ».
Documentation
Faustin, Charles Daly et Marie Yvrose Ninon. « La vallée de Jacmel: un siècle d'histoire », Le Nouvelliste, 22 juillet 2009. http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=72322
http://tirelaiguille.over-blog.com/categorie-11347197.html (association de brodeuses qui présente différents modèles de broderie Richelieu)
Apprentissage et transmission
A l’âge de quinze ans, Stéphanie Valentin a appris à broder au sein de la congrégation des Filles de Marie. Cette congrégation catholique dirige l’école Saint-Paul et enseigne notamment la broderie. Stéphanie Valentin a reçu son diplôme à l’issue d’une formation de trois ans dans cette école.
Cette pratique se transmet à la fois de façon informelle et formelle. En effet, quatre filles de Stéphanie Valentin ont appris en observant leur mère et travaillent actuellement dans l’association des Dix doigts de la Vallée. Cet atelier est également une école. Stéphanie Valentin transmet son savoir-faire à des femmes et surtout à de jeunes adolescentes. À celles qui savent déjà broder, elle enseigne seulement les techniques de décoration ; tandis qu’aux autres elle dispense les bases du métier. Elle souhaiterait avoir une véritable école professionnelle de broderie dans la Vallée afin de s’assurer de la pérennité de cette pratique.
Description de la pratique culturelle
La broderie est un savoir-faire qui exige beaucoup de finesse et de dextérité. Pour produire ses pièces (que ce soit une broderie main ou une broderie Richelieu), Stéphanie Valentin utilise un papier de carbone avec lequel elle reproduit sur une pièce de tissu un dessin qui lui servira de patron. La deuxième étape consiste à appliquer le dessin sur le tissu à l’aide d’un mélange de gaz kérosène et de digo (indigo). Le lin est prêt pour être brodé avec des techniques liées à la broderie telles que les points de tige, « brodé bourré », barrette, feston, etc. Ces points de feston très serrés sont ensuite liés par des brides (brides simples pour réaliser des motifs ajourés, ou brides ornées de picots pour la broderie Richelieu). Cette dernière se distingue des autres broderies notamment par un contournement au point de chaînette, tout en possédant des motifs caractéristiques comme des compositions florales et des branches perses.
Après ces étapes, le produit fini est découpé et lavé avec du « savon lavé » en frottant légèrement le tissu à l’envers pour ne pas froisser la décoration. Enfin, on repasse le tissu humide, puis on le découpe à l’aide de ciseaux : une des spécificités de la broderie Richelieu est d’être très découpée.
Stéphanie Valentin utilise du lin, des fils, des aiguilles, des ciseaux (ciseaux brodés et coutures), un dé. Les broderies sont d’une variété étonnante. Certaines sont multicolores, appelés « sujets haïtiens », constituées d’un mariage de plusieurs couleurs de fils. La broderie Richelieu ou « découpée » est une broderie essentiellement blanche. Mme Valentin produit ses pièces, de 200 à 400, toutes différentes, en fonction des goûts de la clientèle. Pour les conserver, elle les lave, utilise un vaporisateur et ensuite les emballe. Le temps de réalisation (de 15 jours à 3 mois dans certains cas) et le prix d’une broderie dépendent de la pièce.
Les nappes, les draps, les sacs à main, les sous-vêtements, pour ne citer que cela, sont les types de pièce qu’elle confectionne. La confection de certaines requiert davantage de temps et d’assistance que d’autres. Quatre ou cinq personnes peuvent se mettre ensemble pour travailler un drap ou une nappe. Le modèle de dessin est réalisé par la brodeuse ou proposé par le client.
Les Dix doigts de la Vallée est le nom de l’association implantée dans l’atelier de Mme Valentin. Cet espace sert pour la confection de broderies, mais il est aussi utilisé pour des séminaires de formation sur la gestion des affaires, le savoir-vivre et la couture. Ses broderies et son matériel de travail sont rangés dans un petit bureau situé à l’intérieur de l’atelier.